« J’avais pas vu le coup venir », c’est le titre de la conférence gesticulée de Sophie Assante sur le thème des violences conjugales. Vendredi 18 novembre, elle présentait son spectacle aux Sorinières, invitée par le Centre communal d’action sociale (CCAS) de la commune dans le cadre du « Hors les murs » des Assises nationales de lutte contre les violences sexistes. Un moment fort pour entendre le parcours d’une femme victime de violence conjugale mais aussi faire le point sur ce fléau et en discuter.

« He’s stone cold dead in the market, he’s stone cold dead in the market. He’s stone cold dead in the market, I kill nobody but my husband ! » C’est sur une chanson d’Ella Fitzgerald de 1946 que Sophie Assante entre en scène dans la petite salle de spectacle de la médiathèque des Sorinières. « Il est tombé raide mort sur le marché. Je n’ai tué rien d’autre que mon mari ! » Sous son air faussement joyeux, la chanson parle de violences conjugales. « Très jeune, j’ai compris qu’une petite fille, une femme pouvait être une proie pour les hommes, poursuit la comédienne. Tout ça à cause d’Eve et d’une pomme ? Non mais ça va durer combien d’années encore, cette histoire de pomme !! »

L’emprise de l’homme brutal

Mi-conférence, mi-spectacle, la conférence gesticulée « J’avais pas vu le coup venir » alterne informations sur les violences faites aux femmes – avec chiffres clés et notions phares – et témoignage. Car la comédienne parle de l’intérieur : elle a personnellement subi ces violences. « En 2019, on estime que 213 000 femmes auraient été victimes de violences conjugales, 1 sur 10. La violence arrive de manière progressive et insidieuse : ils veulent tout contrôler, les textos, la contraception, les sorties, comme un contrôle de propriété. On commence par penser qu’on n’est pas normale. En fait l’homme brutal culpabilise sa compagne. » Mine de rien, Sophie Assante décortique le phénomène d’emprise, l’engrenage dans lequel la femme se retrouve, sans oser en parler, sans saisir les rares occasions que le monde extérieur lui tend. « Ah, qu’est-ce que j’ai pu faire comme chutes ! Avec de gros bleus qui marquent. L’ostéopathe, une maman de l’école, m’ont tendu des perches que je n’ai pas saisies. Et hop là, ta perche elle est partie ! »

Écouter et croire les femmes

La comédienne rappelle que le 3919, le numéro Violences femmes info, est submergé d’appels : 250 par jour en moyenne. « Les violences faites au femmes, une grande cause du quinquennat ? Avec 5€ par an et par habitant, on ne va pas aller loin ! C’est parce que les violences conjugales ne sont pas assez condamnées qu’elles se développent ». Elle détaille l’exemple de l’Espagne qui a pris le sujet à bras le corps : 1 milliard d’euros mis sur la table (12 fois plus qu’en France), des juridictions spécialisées, 72 heures maximum pour instruire une plainte, un bracelet électronique qui fonctionne… « Partout ailleurs, c’est insupportable cette culture du doute ! Il faut écouter et croire les femmes pour qu’elles retrouvent de la valeur.»

S’en sortir : les enfants, les femmes

Attentifs, les spectateurs se demandent quand même comment la comédienne s’en est sortie pour être là. « Il m’a fallu 10 ans et ce ne sont pas les dépôts de plainte qui m’ont sauvée. Voyant que mes enfants allaient garder des séquelles, j’ai décidé de m’en sortir. Un soir, on a organisé une pyjama partie chez une voisine, et on n’est pas rentrés. Je ne remercierai jamais assez Marie-Noëlle. » Et l’actrice d’entamer l’hymne des femmes : « Levons-nous femmes esclaves, Et brisons nos entraves, Debout, debout, debout ! Reconnaissons-nous, les femmes, Parlons-nous, regardons-nous, Ensemble, on nous opprime, les femmes, Ensemble, Révoltons-nous ! » Dans la salle, une spectatrice reprend les paroles. La lumière s’éteint. Le débat est ouvert, à partager autour d’un verre.