Mahaut Bertu est adjointe à la Ville de Nantes, déléguée à l’Égalité, à la ville non sexiste et à la lutte contre les discriminations. Alors que les Assises nationales de lutte contre les violences sexistes se préparent pour les 25 et 26 novembre, elle éclaire pour nous les grands enjeux de ce rendez-vous et de l’action de la collectivité dans ce domaine.

Pourquoi organiser ces Assises ?

Mahaut Bertu : L’action marquante du dernier mandat a été l’ouverture de Citad’elles, un lieu dédié aux femmes victimes de toutes formes de violences. Nous avons agi, en tant que collectivité et en soutien des associations engagées, pour améliorer l’accompagnement des femmes et de leurs enfants. Lors de son inauguration en novembre 2019, les partenaires et experts invités nous avaient fait part de l’intérêt de regards croisés sur ce sujet. Ces Assises nationales de lutte contre les violences sexistes sont une réponse. La journée du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, est chaque année l’occasion d’un décompte macabre des féminicides : comment aller au delà et créer de l’espoir pour que ça change ?


Quels sont les principaux objectifs de ces Assises ?

Mahaut Bertu: Pour les actrices et acteurs du domaine, l’enjeu est triple : d’abord avoir un temps de réflexion collective : comment mieux repérer, accueillir et agir contre les violences sexistes, quels sont les points difficiles, les bonnes pratiques… C’est aussi l’occasion de repositionner la place de l’État et des collectivités locales. Rappelons que l’État est compétent en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, mais que nous pouvons agir en complémentarité : il n’y aura jamais trop de personnes et d’institutions engagées pour lutter contre ce fléau. L’objectif est aussi la mise en réseau des acteurs : les collectivités sont de plus en plus nombreuses à s’engager, beaucoup ont posé ce thème des violences faites aux femmes dans leur programme de mandat et il y a un intérêt évident à travailler en commun.

Enfin, au delà des professionnels, nous voulons mobiliser le grand public pour créer une communauté où l’on est toutes et tous collectivement vigilants et acteurs du changement.


Pouvez-vous justement nous parler de la journée du samedi 26 novembre dédiée au grand public ?

Mahaut Bertu : Après le vendredi dédié à la mise en réseaux des collectivités, associations, experts et professionnels, le samedi 26 s’adresse à tous les publics. On y parlera notamment parentalité : comment évoquer avec nos enfants ces questions difficiles, comment éduquer différemment nos garçons plutôt que de prévenir nos filles des dangers ? On veut aussi débattre des violences sexistes dans le sport par exemple. Les Assises ne doivent pas être un événement pour les seuls spécialistes et convaincus, nous voulons tirer tous les fils possibles pour intéresser le maximum de monde. Nous avons déjà plusieurs têtes d’affiche : la psychiatre Muriel Salmona, la présidente de la fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert dont le Train de l’égalité est passé à Nantes en février dernier, mais aussi l’avocate nantaise Anne Bouillon ou Diariata N’Diaye, créatrice du dispositif et de l’application App’Elles. L’idée, c’est de faire à la fois une place aux acteurs locaux et aux grands noms nationaux de la lutte contre les violences sexistes.

Nantes veut devenir la première ville non sexiste d’ici 10 ans. En quoi ça consiste concrètement ?

Mahaut Bertu : Nous savons que certains choix d’action publique participent à maintenir ou à aggraver les inégalités femmes-hommes. Il s’agit donc de voir comment nous pouvons faire avancer l’égalité dans tous nos domaines d’intervention : dans la conception de cours d’école où les filles sont aujourd’hui trop souvent cantonnées à des espaces contraints pour échapper aux ballons des garçons, dans l’action solidaire vis-à-vis des familles monoparentales, composées à plus de 90 % de femmes, dans la politique de soutien aux associations… Pourquoi ne pas imaginer par exemple d’accorder une plus-value aux clubs qui assurent la parité de leurs équipes dirigeantes ? Tout ne sera pas réglé en 10 ans bien sûr, mais on veut rabaisser de manière significative le seuil de tolérance à ces inégalités : dans la collectivité, dans le monde associatif, le milieu professionnel, chez les citoyens. Les Assises sont une première étape sur ce chemin : on s’attaque aux violences sexistes, sur lesquelles plus personne ne doit fermer les yeux.