Issu de la lutte contre le sida, le Docteur Kpote est animateur de prévention en vie affective et sexuelle auprès des jeunes collégiens, lycéens, étudiants. Travailleur social homme dans un milieu majoritairement féminin, il tient aussi une chronique dans Causette. Il sera à Nantes le samedi 26 novembre, à la journée grand public des Assises de lutte contre les violences sexistes.
Pourquoi participer aux Assises ? Qu’en attendez-vous ?
C’est hyper intéressant d’avoir tous ces sujets abordés sur 2 jours. De mon côté, je viens pour porter une dimension de terrain, complémentaire aux approches plus universitaires par exemple. Il me semble qu’une vraie victoire, ce serait de réussir à embarquer des gens qui ne viennent pas d’habitude sur ces sujets, d’élargir le cercle, et notamment que des mecs viennent à ces Assises. C’est eux qui doivent changer, se questionner et faire bouger leurs attitudes. Les femmes, elles font déjà largement le taf !
Êtes-vous féministe ?
Je me méfie beaucoup des étiquettes, je me dis plutôt allié et je m’engage au quotidien dans mon boulot. Mon combat, c’est l’égalité et la lutte contre les discriminations : de genre, liées à l’orientation sexuelle, liés aux personnes racisées… Et si ça s’inscrit dans des luttes féministes, c’est tant mieux !
Est-ce que #Meetoo a changé quelque chose dans votre travail ?
Moi qui vient de la lutte contre le sida, je constate qu’on était avant sur une prévention très hygiéniste : maladies sexuellement transmissibles, port du préservatif… Aujourd’hui, avec les jeunes, je travaille surtout sur les représentations et stéréotypes de genre : l’injonction à la virilité, à la séduction. Ces stéréotypes nous construisent et créent des vécus très différents. On arrive ainsi à aborder les effets de domination, de contrainte, d’emprise ou de violence, donc la notion de consentement. La qualité de la relation est essentielle, bien avant de se poser la question du port du préservatif ! J’aborde aussi la contraception masculine. En tant qu’homme, j’ai une vraie carte à jouer, dans un moment de contrecoup chez les jeunes garçons, qui peuvent se sentir perdus dans la redéfinition de leur identité de genre. Je les accompagne dans leur réflexion, je les amène à bouger dans leurs représentations.
Avez-vous des actualités à nous partager ?
Une révolte d’abord : il me semble que le procès du meurtrier de Shaïna, l’adolescente de 15 ans tuée en 2019, doit se tenir dans les prochains temps. J’avais été très marqué par le féminicide de Sohane, il y a 20 ans, qui avait changé pas mal de choses dans mon travail. Et puis il y a eu cet assassinat de Shaïna. Parfois je me dis qu’on dépense une énergie de dingue, que c’est un combat continuel, malheureusement toujours rappelé à l’ordre par les effets du patriarcat. Mais il y a aussi de belles initiatives : je pense à la vitalité des collectifs féministes, comme les colleuses ou stop fisha, qui lutte contre le cyber-harcèlement. Cette nouvelle génération de féministes m’étonne beaucoup, dans le bon sens du terme.
Si vous étiez à la tête de l’État, quelle mesure prendriez-vous pour lutter contre le fléau des violences sexistes ?
Je refuserais cette place pour la donner aux femmes ! Les mecs doivent se débarrasser du pouvoir politique, j’ai plutôt envie de voir ce que ça donnerait si les femmes gouvernaient.
Ses conseils
« L’effet Titanic » de Lili Nyssen.
« Dans ce livre, une autrice fait le deuil d’une relation, tout en imaginant une histoire d’amour entre deux ados, pas toujours raccords. Les deux récits s’entremêlent sous une belle plume, pleine de poésie. »
« Sex education et Euphoria »
« Chacune à leur manière, ces deux séries sur les jeunes sont super bien faites : elles sont inclusives, traitent de choses vécues assez justes, les personnages sont fouillés. Je recommande ! »